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Semaine 35 - Tennis & anecdotes olympiques

Le tennis a repris le fil de son histoire olympique relativement récemment, à Séoul en 1988. Mais sept olympiades, c’est déjà amplement suffisant pour compiler nombre d’anecdotes savoureuses – et pas toujours si anecdotiques que cela, d’ailleurs. En voici 10, emplies d’amour, de jurons, d’hérédité, d’exploits et de contes de fées.

Leur rencontre a sans doute changé la face du tennis. Aux JO de Sydney, Roger Federer n’a que 19 ans lorsqu’il bute sur les deux marches successives pouvant lui offrir une médaille (demies contre Tommy Haas, petite finale contre Arnaud Di Pasquale). Mais l’essentiel est ailleurs pour celui qui n’est encore qu’un espoir du tennis mondial : précisément dans sa rencontre avec sa compatriote Miroslava Vavrinec, dite Mirka, qui représente la Suisse dans le tableau féminin. La suite appartient à l’Histoire du tennis, Roger Federer n’omettant jamais d’attribuer une grande partie de sa réussite à celle qui est devenue sa femme, la mère de ses enfants et, accessoirement, sa manager. Bref, celle qui a canalisé le chien fou de Sydney. « Sans Mirka, rien de tout ce que j’ai réalisé n’aurait été possible, estime l’homme aux 17 titres majeurs. Si elle n’était pas toujours avec moi, j’aurais déjà mis un terme à ma carrière. »

Les Jeux d’Atlanta sont une parenthèse enchantée dans les difficiles saisons 1996 et 97 d’un André Agassi multipliant alors les mauvaises défaites en Grand Chelem. Mais aux JO, les « siens » puisque organisés aux États-Unis, à Atlanta, André Agassi fait la loi. Et quand son coup de raquette ravageur ne suffit pas pour écarter un coriace Wayne Ferreira en quart de finale, l’arbitre y va de son coup de pouce en ne lui infligeant pas de nouvel avertissement pour ses innombrables jurons, alors que Ferreira mène 5-3 au dernier set. Pourquoi ? Deux avertissements pour obscénités sont déjà tombés et le troisième serait synonyme de disqualification. Agassi aligne quatre jeux et s’en sort. Deux matchs plus tard, il sera champion olympique, au grand dam de Ferreira. « Il n’aurait jamais dû finir ce match au regard de toutes les horreurs qu’il a dites », s’épanche le Sud-Africain. « Ma disqualification aurait été la seule façon pour lui de me battre », cinglera l’Américain, pas encore le maître zen que les plus jeunes ont pu connaître dans les dernières années de sa carrière. 

Si le tennis a une histoire olympique compliquée, il ne faut pas s’étonner que les champions les plus sensibles à cette compétition soient généralement des enfants de sportifs ayant eux-même connu les honneurs des JO. Exemples du côté des médaillés : Andre Agassi (or, 1996), dont le père Mike a représenté l’Iran en boxe lors des olympiades 1948 et 1952 ; Lindsay Davenport (or, 1996), dont le père Wink appartenait à l’équipe américaine de volley-ball à Mexico en 1968 ; Vera Zvonareva (bronze, 2008), dont la mère Natalia Bykova a gagné le bronze en hockey sur gazon à Mexico en 1980 ; Nadia Petrova (bronze en double, 2012), dont la mère Nadezhda Ilyina a couru le 400m aux JO de 1972 et 1976 (bronze en relais 4x400m cette année-là). Quant à Leander Paes (bronze, 1996), ce sont carrément ses deux parents qui ont participé aux Jeux de Munich en 1972 (basket pour maman, hockey sur gazon pour papa, médaille de bronze à la clé).

Leander Paes, justement. S’il en est un qui incarne le tennis aux Jeux, c’est bien lui. D’abord parce qu’il n’a raté qu’une seule olympiade depuis le retour du tennis aux JO : la première, celle de Séoul – il avait 15 ans. Depuis, il n’a manqué aucun rendez-vous. Barcelone, Atlanta, Sydney, Athènes, Pékin, Londres, Rio : il y était. Son grand moment est survenu à Atlanta en 1996 quand lui, l’Indien mieux connu aujourd’hui pour ses accomplissements en double, a ramené la médaille de bronze en simple. Un résultat qui illustre à quel point Leander Paes aime jouer pour son pays : six de ses dix plus grandes « perfs » en simple ont eu lieu dans le cadre de la Coupe Davis par BNP Paribas ou des Jeux ! Quoi de plus logique après tout pour quelqu’un qui est né en juin 1973… soit 9 mois tout rond après des Jeux de Munich où ses parents n’ont décidément pas perdu leur temps.

C’est aussi ça, la magie des JO, quand un amateur – au sens premier de la définition – peut croiser les meilleurs mondiaux. Comme lorsqu’aux Jeux de Sydney, le vainqueur de Roland-Garros Gustavo Kuerten dispute son premier tour contre Christophe Pognon, représentant du Bénin. Invité par l’ITF afin d’assurer une présence de toutes les régions du globe à la fête olympique, Pognon n’est pas classé à l’ATP. Loin de là, même : en France, où il est licencié, il est classé 0 et assimilé n°400… français. Le match ne fait pas un pli : 6/1 6/1 en 38 minutes. Sympa, Kuerten a baissé juste ce qu’il faut de niveau à chaque set pour permettre à son adversaire d’éviter la « bulle ». De toute façon, l’essentiel est ailleurs. Dans le bonheur de Christophe Pognon de vivre pareil évènement et d’échanger avec l’un des meilleurs joueurs professionnels du monde. Et dans le premier geste de Pognon après la balle de match : empoigner son appareil photo et demander à une ramasseuse de balle d’immortaliser l’instant avec « Guga ».

Après 60 ans d’absence du programme olympique, le tennis réapparaît à Los Angeles en 1984, sous la forme d’un tournoi réservé aux moins de 21 ans. Dite de démonstration, l’épreuve sacre des champions qui n’ont pas pour autant droit à leur nom gravé dans le marbre des palmarès. Dommage pour la postérité, tant les vainqueurs de Los Angeles ont fière allure : Stefan Edberg et Steffi Graf. C’est même l’intégralité des tableaux qui se révèle délicieuse au fan de tennis puisqu’on y trouve aussi Pat Cash, Thomas Muster, Andrea Jaeger, Guy Forget, Gigi Fernandez, Jakob Hlasek, Jimmy Arias, Emilio Sanchez, Jaime Yzaga, Amos Mansdorf, Ronald Agenor… soit la crème du tennis de la décennie à venir.

 « Je n’ai jamais revu quelqu’un produire un effort comparable sur un court de tennis. » L’hommage est signé Novak Djokovic, se remémorant l’exploit de Nicolas Massu à Athènes en 2004, quand le Chilien avait bataillé près de huit heures -en moins de 24h- pour apporter à son pays les deux premières médailles d’or de son histoire. Son marathon débute par une victoire en cinq sets en finale du double, associé à Fernando Gonzalez, face aux Allemands Kiefer et Schüttler. Cérémonie protocolaire, contrôle antidopage, conférence de presse : les héros ne quittent pas le stade avant quatre heures du matin. Douze heures plus tard, Massu est attendu sur ce même court pour la finale du simple… où, à la surprise générale, il prend le dessus sur Mardy Fish au cinquième set ! Avec une finale en Masters 1000 (Madrid 2003) pour meilleur résultat à l’ATP, Massu a conscience de ce qu’il a gagné à Athènes : « Je sais que j’ai un parcours à part. Je m’en rends compte tous les quatre ans ! Même quand on m’aura un peu oublié, je reviendrai toujours sur le devant de la scène lors des Jeux. » 

J’y va t-y ? J’y va t-y pas ? Finaliste à Roland-Garros, Henri Leconte se fait tirer l’oreille pour être de l’aventure du tennis renaissant aux JO à Séoul en 1988. Au point de s’attirer les foudres du président du Comité national olympique et sportif français en personne : « Il y a une syllabe en trop à Leconte », fulmine Nelson Paillou. Mais il ne résulte jamais grand-chose de bon de la contrainte et, à Séoul, où il se présente à la dernière minute, Leconte trébuche dès le premier tour devant le local Bong-Soo Kim, 361e mondial. Au moins autant que son célèbre discours incompris en finale de Roland-Garros (« J’espère que vous avez compris mon jeu »), le désamour du public français pour son « Riton » les saisons suivantes provient de cet épisode olympique en forme de valse-hésitation. Il fallait bien une Coupe Davis héroïque pour effacer tout ça… 

Un combat de coqs : l’Allemagne était sans doute trop petite pour que Boris Becker accepte l’émergence d’un compatriote au premier plan. Alors quand en plus ledit compatriote, Michael Stich, signa son entrée en scène en battant « Boum-Boum » sur « son » Centre court de Wimbledon, en finale… Rivalité sportive et caractères opposés, la cohabitation a été difficile entre les deux hommes, au point que l’Allemagne n’a gagné en Coupe Davis par BNP Paribas qu’avec l’un (Becker 1988-1989) ou l’autre (Stich 1993), jamais les deux ensemble. Mais en 1992, ils enterrent la hache de guerre devant l’échéance olympique. Et, à Barcelone, sur cette terre battue qui n’est pourtant pas leur meilleure surface, ils s’en vont chercher l’or à grands coups de matchs en cinq sets pour écarter les pires spécimens de la surface, espagnols (Sanchez – Casal en quarts) ou argentins (Frana – Miniussi en demies). Ce sera leur seule médaille olympique, à l’un comme à l’autre.

Miloslav Mecir et Marc Rosset n’ont jamais triomphé en Grand Chelem. Mais les lauréats des tournois olympiques 1988 et 1992 ont en commun d’avoir remporté une compétition disputée en mode majeur, avec des matchs au meilleur des cinq sets. Et l’un comme l’autre ont dû mouiller le maillot pour mériter leur médaille : à Séoul, Mecir s’est retrouvé mené deux manches à une par Stefan Edberg en demies. Quant à Marc Rosset à Barcelone, il lui a fallu attendre le jeu de 8/6 au cinquième set en finale pour se débarrasser du collant Jordi Arrese. Curiosité : Mecir, solide postulant au titre de « plus grand joueur jamais titré en Grand Chelem », compte à son palmarès un second tournoi disputé en format Grand chelem : Key Biscayne 1987